vrijdag 4 december 2015

Echanges de Etty Mulder et Catherine Steinegger 3.



Echanges de Etty Mulder et Catherine Steinegger  sur
Pierre Boulez et le théâtre. De la Compagnie Renault Barrault à Patrice Chéreau; Mardaga 2012




Commentaire 3                                           upd. 15.03- 2016


C’est sans doute entre autres cette densité structurelle extrème qui rélie les formes musicales de Machaut, Bach, Webern, Boulez, comme vous l’avez écrit dans votre chapitre 3:
Il s’agit des procédés musicales à peu près géométriques, des procédés de condensation, des élargissements, des renversements du matériel de base qui correspondent – c’est saillant- au processus de la psychanalyse freudienne nommé Primär Vorgang dans l’Interprétation des Rèves. La description théorique des philosophèmes d’Hélène Cixous considérante des aspects structurelles de son travail: des mouvements rotatifs, polycentriques, cycliques me faisait penser à une géométrie créative comparable, apte aux principes bouléziennes.
Mais ce n’est qu’une phantasie!
A propos Ariane Mnouschkine était, pendant mes années au Conseil Erasmianum, la seule femme au liste des candidates – sans avoir jamais obtenue le Prix. [la seule lauréat féminine dans “mes années” c’était Marion Gräfin Dönhoff, la Redactrice influente du journal Die Zeit] .

Le Cygne de Stéphane Mallarmé [alors vous amenez moi svp dans cette musée] m’est “apparu” tout au commencement de mes études en Musicologie, Utrecht 1968, lorsque le compositeur et théoréticien Rudolph Escher [qui suivait Pierre Boulez de tout près] nous a donné des lectures sur la génèse des Improvisations à ce temps. Cette poésie, cette musique avaient pour moi un caractère révélatrice. J’ai hésité beaucoup sur l’étude de musicologie à ce temps, - et j’ai quitté immédiatement les autres obligations de mes études de musicologie pour me pouvoir rétirer avec Penser la musique d’aujourd’hui.
Quelques années plus tard après ma rencontre avec Guillaume de Machaut, après des détours en philosophie et en l’iconologie du Moyen Age je suis revenu dans l ‘Institut, toujours fascinée par les isomorphies, les isorythmiques – isoméliques
,les hétérophoniques musicaux/textuelles.

C’était très particulier de recevoir ce texte de Mallarmé “blanche” superbe et si bien connu maintenant de vous dans le cadre de nos échanges, c’est un texte existentiel, unique. Merci! { vous écrivez:  siècle l’hiver; dans ma tête donc
: stérile hiver ] ? ligne alternative? 

Je vous pose une question quant aux méthodes postmodernes en rapport avec les grandes productions “sur la scène” avec Pierre Boulez comme chef d’orchestre : Abstraction faite des questions d’interprétations oui ou non liées aux connections éthiques qui nous venons de considérer en marge- [je veux dire: sans insister plus sur ces aspects] est-ce que vous voudriez considérer la rélation entre la musique et la mise en scène- changeante pendant beaucoup d’années comme une catégorie temporelle toujours dynamique – est-ce que vous voudriez interpréter cette relation aussi comme une intertextualité dans ce sens postmoderne?  Est-il possible [en sens méthodique/ terminologique]  de concevoir ces grands oeuvres comme le Ring ou Moses und Aron comme des complexes intertextuelles?
Je voudrais considérer ce terme dans le sens latin d’inter-texte, alors d’une diversité de “tissus”[de nature artistiques, et en fonction de l’oeuvre avec  toutes sortes de ses signifiants et signifiés – voilà la spécialité de J.J. Nattiez? dans sa totalité].

Dans ce cas on aura la disposition  des termes modernes et “synchrones”pour manier la représentation dans tous les détails.  Il faut accentuer cependant – naturellement – qu’ il serait la même chose avec des productions assez modieuses, par exemple les productions déconstruées de film et télévision des opéras de Mozart, sous la régie de Peter Sellars.
A mon avis la musicologie ne se sert pas comme elle se doit des termes méthodoligiques modernistes qui pourraient exprimer les divers aspects de la réprésentation totale, à une manière intégrale.

   Concernant ces rumeurs sur Pierre Boulez et son caractère “difficile”, - on voit certainement des traits très fort dans sa personne, son écriture. Il est pourtant un homme de caractère doux, très sympathique. Il me semble que le compositeur, sa musique mettent neanmoins des sentiments très violents, - des sentiments d’envie, d’irritation, et également de l’admiration de fascination.
Une situation comme ca, n’est elle pas symptomatique pour des personnes et des oeuvres de grandeur vraie?

Etty Mulder



Réflexions sur le commentaire 3

♪Quand vous évoquez l’importance de la rigueur structurelle dans les oeuvres de Machaut mais aussi de Bach de Schoenberg, Berg, Webern mais aussi bien sûr Boulez, cela me semble esentiel car c’est cette rigueur qui donne toute sa valeur à la création, j’y suis d’autant plus sensible que j’ai fait des études de mathématiques et de physique avant d’étudier la musicologie. Il me semble que cette dimension de “cohérence” est inhérente à la pensée boulézienne et c’est une force très efficace pour communiquer et être intelligible.

♪Je pense, comme vous, que la psychanalyse est une donnée essentielle pour comprendre bien des phénomènes de la création et de pensées humaines mais il y a en France une forme de rejet et de dévalorisation de l’apport freudien qui est manifeste. Michel Onfray a écrit un livre très négatif sur Freud. Cela n’empêche pas les personnes qui sont intéressées par cette oeuvre d’y faire référence. Il y a quelques années j’ai participé à un colloque sur l’inconscient en littérature et dans les arts organisé à Lille. J’avais choisi de parler d’Erwartung de Schoenberg, j’ai bien sûr analysé le texte de Marie Pappenheim et les relations de Schoenberg avec la psychanalyse ainsi que les commentaires d’Adorno à ce sujet, cela m’avait beaucoup intéressée.

♪À propos de l’écriture d’Hélène Cixous, il est évident qu’il y a une recherche et une spécificité de l’écriture qui est un apport fondamental pour la création féminine et féministe. C’est un problème en France, je ne sais pas si cela existe en Hollande, ici, le milieu musicologique est particulièrement misogyne.

♪Vous avez eu un parcours passionnant, c’est magnifique de s’enthousiasmer pour des domaines aussi différents et d’adhérer au texte de Boulez “Penser la musique aujourd’hui”.

♪Oui, cela m’a beaucoup plu d’écrire le texte de Mallarmé, il y a peut-être une erreur, je rentre le 31 août chez moi et je pourrai vérifier sur l’exemplaire de la Pléiade.

♪Votre question à propos des relations musique/mise en scène et la pensée postmoderne me semble très pertinente, en effet, il y a dans l’esthétique postmoderne, le principe du collage et des multiples références au passé, on trouve tout cela extrêmement présent chez les metteurs en scène actuels. Vous avez tout à fait raison, il y a l’introduction de nombreux signifiants et signifiés, ce que Roland Barthes nommerait le para-texte qui s’ajoute à l’oeuvre initiale. J’ai vu récemment une retransmission à la télévision de la mise en scène de Parsifal par Stefan Herheim pour le Festival de Bayreuth, c’était trés intéressant de voir à quel point il a réussi à minorer l’importance de la messe chrétienne pour replacer cette oeuvre dans le contexte historique terrible de l’Allemagne.
Il me semble d’ailleurs que Chéreau pour le Ring puis Stein pour Moses ont été obligés de constituer un appareil critique avant de mettre en scène, d’élaborer ainsi un complexe intertextuel comme vous l’écrivez. (La spécialité de Jean-Jacques Nattiez est bien la sémiologie appliquée à la musique. Sa thèse qu’il a publiée ensuite chez Bourgois fut un grand apport dans ce domaine. Il est aussi très lié à Jean Molino et tous deux prônent la théorie de la tripartition).

♪Il est sûr que la musicologie, au moins Française dont je peux parler, utilise très peu les concepts postmodernes et reste relativement en vase clos parce que les musicologues ne s’intéressent que parcimonieusement à la philosophie, à l’évolution des arts de la peinture et aussi à la littérature, ils privilégient l’analyse technique musicale mais si cette analyse n’est pas suivie d’interprétations et de conclusions esthétiques ou philosophiques cela reste stérile, il me semble.

♪ À propos de l’image de Boulez dans le public, je pense qu’il a beaucoup souffert des medias, son entretien dans Der Spiegel “Il faut brûler les maisons d’opéra” en est un exemple fameux. Il a eu aussi le courage de dire ce qu’il pensait et c’est plutôt rare en général parmi les responsables d’institutions et les compositeurs. Je pense qu’il avait toujours tout à fait raison dans sa façon de voir les choses mais on pardonne difficilement aux gens qui soulignent les dysfonctionnements. Et puis, il y a aussi la jalousie que sa stature internationale de chef d’orchestre et de compositeur a suscitée. Les artistes pardonnent difficilement la réussite.

Catherine Steinegger
  


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