Echanges
de Etty Mulder et Catherine Steinegger 1.
sur Pierre
Boulez et le théâtre. De la Compagnie Renault Barrault à Patrice
Chéreau; Mardaga 2012
Commentaire
1 07.07-2012 [update 15.03-2015]
Votre livre traite des grandes mises en
scène modernistes dans lesquelles Pierre Boulez a joué un rôle important comme
chef d’orchestre ainsi que compositeur.
Voilà que vous mettez en jeu une rélation
assez complexe entre Pierre Boulez et l’idéologie changeante du théâtre au
vingtième siècle, faisant état des mythes dans les développements politiques
actuels soit de divers narratifs philosophiques et religieux.
Ces oeuvres modernistes ne traitent seulement
des actions mais aussi, en sens historique et éthique de leur raison d’être même
dans l’actualité culturelle. Les artistes collaborants dans ces productions
modernistes se sont chargé’s d’ une responsabilité’s de se justifier pour ses
interprétations “contre la tradition”.
Vous avez écrit sur la réaction taciturne de
Pierre Boulez à la mise en scène controversielle de Parsifal de Christoph Schlingensief: “il [PB] a pour
principe éthique de ne pas dire du mal des personnes con lesquelles il
collabore .Cette situation contraste radicalement avec les célébrations du
Centenaire du Ring, en 1976, lorsque Pierre Boulez était associé à Patrice
Chéreau pour répondre aux protestations “.[p.278] On peut constater en effet que
Pierre Boulez en géneral n’a pas d’ habitude de s’exprimer en détail sur les
choix qui sont faits dans ces grandes mises en scènes dont il a fait partie
comme chef d’orchestre.
Après l’exécution de La Maison des Mortes [juin 2007] à Amsterdam, j’ai eu un bref
échange de vues avec Pierre Boulez sur la mise en scène. Vous écrivez: “Comme
l’exprime le décor de Richard Peduzzi à
géometrie variable nous avons affaire à une eprison intemporelle qui est à la
fois le Goulag et tous les camps du XXe siècle qui peut devenir presque
abstrait.
Je me rapelle comment- exactement pendant
les jours là- nous avions au Pays Bas une confrontation violente [qui a été
intitulée dans les media comme “razzia”] des personnes “illégales” avec la
police. Cette confrontation provoquait une sorte de “flash back” très
émotionnelle dans la polulation d’Amsterdam aux déportations des juifs.
Pendant l’exécution de l’opéra de Janácek
mes companes et moi ont discuté l’”impossibilité” d’ être assis dans la pluche
rouge du théâtre vis an vis de ce lieu enscéné d’un camp abstrait, à peu près
littéralement au coin du prison actuel des personnes illégales d’aujourd’hui chez
nous. J’ai raconté à Pierre Boulez de cette gêne. Ce jour, comme il a ses
opérations d’ oeil aussi aujourd’hui il venait d’avoir une chirgurgie, il portait des
lunettes contre le soleil pendant le déjeuner, et moi en face de lui ne pouvait
pas voir ses yeux, [un peu comme cette photographie à la couverture de votre
livre – homme beau, avec masque, énigmatique- ]. Il n’a pas réagi, il me
semblait seulement un peu étonné.
Dans ce
contexte j’ ai aussi référé à Pierre Boulez la loi iconoclaste, imposé
par Claude Lanzmann dans son oeuvre
cinématographique Shoah [1985] sur la
mémoire des camps: [ne pas utiliser aucune image ou document historique] ainsi que les solutions impressives de Peter
Stein concernant le tabou de l’image dans Moses und Aron, réalisée avec sa [PB]
contribution magistrale orchestrale.
J’ai voulu lui référer ces deux thèmes
comme des stades irreversibles dans le travail de mémoire psychanalytique et
comme une “datation” de l’imagerie littérale du traumatisme. J’avais
l’impression que tout ca ne lui regardait pas aus sens vrai.
Il m’a répondu qu’à son avis toute sorte de
référence soit réprésentation des camps concentrationnaires
à la scène serait “utile”… sans plus.
Quelle est votre opinion sur cette position réservée que prend Pierre Boulez
face à ces aspects délicates des mises en scène?. Pensez vous qu’il veut
séparer par cela l’acte théàtrale de la musique?. Ne se sent-il- pas
responsable comme musicien?
. J’étais vraiment touché de
lire dans votre livre la passage sur
l’importance de la choréographie du Sacre de Printemps de Pina Bausch. On ne
peut pas assez soulinier la signification magistrale de cette oeuvre.
Vous avez totalement raison de
mentionner l’actualité du mythe de la
culture patriarchale dans la Danse
Sacrale de Pina Bausch. En effet la comparison avec Béjart donne beaucoup à
penser. Je me rapelle d’avoir vu un vidéo [ qui je ne retrouve plus] avec PB et
quelques copains viewing la danse sacrale
de Béjart, et spécialement les passages du fin. En particulier je me
souviens la réaction de Pierre Boulez en regard de la fin. A ce moment de la copula-collective Boulez, encore jeune et aigu, exclame [je le
circumscribe]:”voilà qu’il en a fait, tout ca n’a rien a faire avec la mort!. C’est
l’amour qu’íl en a fait”. Il voulait dire : au fond cela est une interprétation
incorrecte!
Pendant les années j’ai présenté
l’interprétation de Pina Bausch, me dirigant sur sa solution géniale pour la
fin du Sacre “solution pour l’impossibilité” d’exprimer la force et la violence
de cette musique dans la force corporelle humaine. Ce que mène, presque toujours
dans les choréographies [aussi chez Béjart} à l’accumulation comme fenomène
[masculine] en soi .Pina Bausch au contraire fait arrêter graduellement cette accumulation de son et de
mouvements. Elle fait séparer des significations contraires des crescendo de la musique et de la danse. La
troupe de ballet s’arrête jusqu’au moment ou l’élue doit exécuter ce rituel
toute seule dans la force corporelle limitée d’une seule personne – à la mort.
Alors la violence de la musique et de la scène peuvent “parler pour eux-mêmes”.
Vous avez raison de combiner votre remarque sur Le Sacre de Pina Bausch avec
vos passages sur Barbe Bleu et les difficulté’s de collaboration plus tard
entre PB et PB…..
Mais n’avait elle pas déja ‘plus tôt choisi
“le track” de la régistration Boulezienne avec le Cleveland Orchestra [1969] pour la
présation la plus commune et fameuse de sa choréographie avec son Tanztheater ?
Je crois qu’on la trouve toujours sur l’internet en plusieurs versions…
Peut- être Pierre Boulez a-t-il compris
Pina Bausch trés bien regardant ce qu’elle faisait avec son registration aux
années soixante-dix?. Avant Barbe Bleu? Peut-être il l’a compris sur des
niveaus plus profonds qu’il était capable d’expliquer….
Etty Mulder
Réflexions sur le commentaire 1
♪ Il m’a semblé,
quand j’ai fait mes recherches sur les mises en scène auxquelles Pierre Boulez
a collaboré, qu’il n’y avait pas de chef d’orchestre contemporain qui se soit
autant confronté à l’avant-garde des metteurs en scène et que ce fait n’était
pas le fruit du hasard, des circonstances, mais une volonté bien établie de collaborer
avec des metteurs en scène qui avaient une “réflexion profonde ” sur le fait de présenter leur vision de l’oeuvre. Aussi bien le choix des oeuvres
fondamentales du répertoire lyrique contemporain que celui des metteurs en
scène.
♪ Il est en effet
surprenant que Pierre Boulez qui a l’habitude de dire ce qu’il pense et est
connu pour ses propos parfois provocateurs
soit.resté solidaire de tous les metteurs en scène avec lesquels il a
collaboré, notamment Schlingensief . Pierre Boulez, même s’il ne semblait pas
convaincu par cette mise en scène ne l’a pas exprimé. Il semble que deux
raisons peuvent expliquer cette attitude
1) il pense que l’artiste doit être libre de s’exprimer et que chaque
oeuvre est une proposition. 2) il accorde à la mise en scène le même statut que n’importe quel art et
considère que l’art théâtral a une grande importance, ce qui n’est pas le cas
de beaucoup de chefs d’orchestre.
♪ Votre récit à
propos de l’opéra de Janacek De la Maison des morts est passionnant mais ne
m’étonne pas. Quand j’ai eu un entretien avec P.B., il m’a dit qu’un temps
juste après les événements de 1968, il avait eu l’idée d’écrire une pièce basée
sur les slogans des étudiants pendant les manifestations puis, qu’il y avait
renoncé parce que c’était “trop daté”.
Cette attitude est symptômatique, il y a une volonté des dépasser les
contigences de la politique ou des problèmes sociaux pour arriver à construire
une oeuvre de musique “intemporelle”, dégagée du contexte politique d’une
époque. Son manque de réaction quand vous lui avez parlé de Shoah de Claude
Lanzmann ne m’étonne pas non plus. Je pense que sa position “réservée” comme vous
l’écrivez est fondamentale dans son parcours. J’ai l’impression, mais c’est une
pensée très personnelle, que son oeuvre ( compositions) compte plus que tout et
qu’il est détaché par rapport aux
tragédies de la Seconde Guerre mondiale parce qu’il se méfie de tout ce qui est
prise de position politique. C’est assez intéressant de voir qu’il a collaboré
avec les gouvernements de droite ( conservateur) comme de gauche (progressiste)
en France pour réussir à imposer
l’IRCAM, l’Ensemble Intecontemporain et la Cité de la musique à la Villette.
Cela lui a d’ailleurs été reproché, je me souviens d’une réflexion de Jésus
Aguila qui a écrit l’ouvrage sur le Domaine musical qui reprochait à Boulez de
ne pas s’afficher comme un homme de gauche. La seule prise de position politique de P.B., d’après
ce que je sais , mais elle est de taille, c’est d’avoir signé le Manifeste des
121 en 1960 contre la guerre d’Algérie, contre l’attitude colonialiste de la
France. Il fallait être courageux à l’époque pour le faire.
♪ À propos de Pina Bausch et du Sacre du
printemps je suis tout à fait d’accord avec vous, il est très clair qu’il y a
une vision masculine (Béjart) et une vision féministe ( Bausch). Je pense que
Pierre Boulez a été attiré par Pina Bausch parce qu’elle a créé une genre
original et d’avant-garde à l’époque, le Tanztheater. Il me semble qu’il
apprécie beaucoup la recherche d’un langage artistique original, mais il y a
dans la genèse même de sa collaboration avec Pina Bausch pour Barbe-Bleue, un
problème qui se révèlera important par la suite, ce qu’il dit quand il lui propose de
collaborer : il ne veut pas voir la musique découpée en morceaux , car un danseur
passait des extraits sonores sur scène dans le ballet original. Cette
utilisation de la musique de Bartok choque
Boulez, il le dit dans un entretien. Il me semble que Pierre Boulez connaissait
ce qu’elle faisait dans les années soixante-dix et même plus tard il a, je
pense, une réelle curiosité et il voulait tenter l’expérience, comme il l’a
fait avec Bartabas, ce qui est étonnant dans son univers il a dit “qu’il
n’avait pas l’âme animalière” mais l’univers de Bartabas l’intéresse, c’est
exactement la même chose pour Pina Bausch, seulement la collaboration entre
deux personnalités si affirmées n’est pas évidente, il me semble.
Catherine Steinegger .
[1] « Wagner, Boulez et la recherche de soi », entretien de Pierre Boulez
avec Jean-Jacques Nattiez, in La
Pensée de Pierre Boulez à travers ses écrits, Goldman Jonathan, Nattiez
Jean-Jacques, Nicolas François, Sampzon, éditions Delatour France, 2010, p.258.
[2] Pierre Boulez, « Barbe-Bleue, Pina Bausch et moi », Le Nouvel Observateur, n° 2348, du 5
novembre.
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